Les chasseurs, un électorat convoité brossé dans le sens du poil

Tous les cinq ans, à l’occasion des élections qui agitent notre pays, les candidats ne peuvent se passer d’une visite ou d’un discours à l’assemblée générale des chasseurs. Et pour cause, cet électorat, véritable relais de la ruralité, représente près d’un million de voix. Difficile, dès lors, de se priver de cette manne de potentiels bulletins (qui plus est quand on sait que le vote des amoureux de la chasse penche plus à droite qu’à gauche) !

Il y a quelques jours, le président de la FNC, Willy Schraen présidait la première AG de son mandat. L’occasion pour lui et son équipe de dresser le bilan de l’année écoulée et d’appréhender les dossiers pour les saisons à venir. Points d’orgue de cette journée, les discours de François Fillon et Emmanuel Macron face à un auditoire curieux mais attentif. Morceaux choisis.

Les idées de François Fillon en faveur de la chasse

Alors que l’ancien Premier Ministre se dit victime d’une véritable « chasse à l’homme » depuis le début de ses déboires judiciaires, le candidat de la droite est le premier à prendre la parole devant un parterre de 250 personnes, la majorité de l’auditoire étant composé des présidents des fédérations départementales. Accompagné du président du Sénat, Gérard Larcher (chasseur à ses heures et « fine gâchette »), Monsieur Fillon dit son plaisir « d’être aux côtés de vrais chasseurs, dans cette campagne où les balles volent bien bas ». De là à affirmer qu’il existe de faux chasseurs, je vous laisse juger chers lecteurs… « Je ne suis pas chasseur » poursuit Fillon, « mais je me sens parfaitement à l’aise avec vous. Vous êtes les représentants du bénévolat et de la ruralité ». Tiens, cela faisait longtemps qu’on nous ne l’avait pas sortie celle-là…

Durant 20 minutes de discours bien rodé, l’ancien élu de la Sarthe défend la chasse à l’ortolan, parle du tétras des Pyrénées, et souffle même quelques mots au sujet de la barge à queue noire, s’éteignant « dans l’indifférence quasi-générale ». S’il est élu, François Fillon l’assure : « face à une écologie plus idéologique que pragmatique, [j’explorerai] la piste d’un ministère des ressources naturelles ou territoires ruraux », tout en promettant un texte de loi en vue de la simplification et du développement de la chasse dès l’année prochaine. Voilà qui est dit.

Quelques instants plus tard, après des applaudissements nourris d’une partie du public et quelques dernières poignées de main, le candidat LR quitte la scène, sans répondre aux questions des participants. Sait-il déjà à cet instant que sa mise en examen a été prononcée ? Peut-être…

Emmanuel Macron favorable à la réouverture des chasses présidentielles

Second candidat à s’avancer devant l’audience, presque exclusivement masculine, Emannuel Macron. On sent que son intervention est attendue. En effet, peu sont ceux à qui connaissent ses idées et ses positions sur la chasse, bien que d’après certaines sources, le fondateur du mouvement En Marche ait déjà rencontré les représentants de la FNC à quatre reprises depuis l’annonce de sa candidature.

« Je viens d’une terre que j’appelle encore picarde, où il y a encore beaucoup de chasseurs ; je ne méconnais pas la chasse, c’est une activité culturelle, environnementale, économique, c’est un mode de vie, pas seulement un loisir ». Voilà les phrases qui lancent le discours de l’ancien ministre de l’Economie. Et il poursuit : « ceux qui opposent environnement et chasse ont un combat de retard ».

Puis, alors que l’auditoire s’attendait sans doute à ce qu’on lui parle du coût de plus en plus élevé de ce loisir ou de la représentation des chasseurs au sein des instances de développement durable, Macron lance le sujet des chasses présidentielles (battues droites héritières des chasses royales de François 1er, auxquelles Nicolas Sarkozy a mis fin en 2010). « Je suis favorable à [leur] réouverture, de manière encadrée et transparente, [car] elles représentent la culture française ». On imagine bien la stupéfaction du public, ces parties mondaines réunissant politiques, hauts-fonctionnaires, grands patrons et dignitaires étrangers n’étant à mon sens pas véritablement un enjeu majeur pour la chasse française.

Le candidat Macron ne se laisse toutefois pas démonté et continue. Viande de gibier, normes, armes à feu, protection des espèces protégées, aucun sujet n’est oublié, tout en reconnaissant qu’il ne pourra pas satisfaire l’ensemble des demandes des chasseurs s’il est élu : « je pourrais vous dire qu’on va rouvrir la directive oiseaux [qui encadre cette chasse au niveau européen], mais je vous mentirais : on n’y arrivera pas ». Des mots francs, sans langue de bois ! Quant aux questions à l’issue de son intervention, le leader d’En Marche semble avoir tout le temps pour y répondre…

Le FN de Marine Le Pen et la gauche de Benoit Hamon, en retrait ?

Paul-Henry Hansen-Catta s’avance ensuite sur l’estrade. Ce conseiller régional dans les Hauts-de-France représente la candidate du Front National, Marine Le Pen, qui ne s’est pas déplacée. Jusqu’à présent, Willy Schraen estime que le parti captait jusqu’à 40% du vote des chasseurs, « très protestataire et anti-européen ». Toutefois, le récent rapprochement de la fille de Jean-Marie Le Pen avec Brigitte Bardot (qui ne connaît pas la fondation à son nom et la lutte qu’elle mène pour la défense des droits des animaux ?) semble être vécu comme une trahison : difficile de trouver un soutien fort du parti FN dans la salle. De plus, les positions sur le sujet du bien-être animal, notamment défendues par Florian Philippot et Sophie Montel, ont du mal à passer auprès des chasseurs. Quant à Benoit Hamon, celui-ci semble clairement faire les frais de l’accord signé avec l’écologiste Yannick Jadot.

Entre déclaration réalistes et utopiques (pour ne pas dire électorales), il y a souvent un pas que les hommes et femmes politiques franchissent aisément. Et pour tout vous dire, je suis curieux de voir ce que ce nouveau mandat réserve aux chasseurs..

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